Des agriculteurs brésiliens intentent un procès à Monsanto
Les producteurs de soja s’opposent à Monsanto. Le 4 avril 2012, le juge Giovanni Conti, du tribunal de l’Etat du Rio Grande do Sul, a ordonné de suspendre la collecte des redevances (royalties) sur les semences génétiquement modifiées de soja pour Monsanto .
La décision prévoit également le remboursement des frais de licence payés depuis la campagne culturale de 2003/2004, en soulignant que les pratiques commerciales des entreprises transnationales semencières comme Monsanto ont violé la loi brésilienne sur les variétés. Si Monsanto ne respecte pas ce jugement, une pénalité de 400 000 euros par jour sera alors appliquée.
Au niveau de l’Etat fédéral, Monsanto envisage de faire appel de cette décision, mettant en cause notamment la recevabilité de la plainte déposée par des organisations puisqu’elle n’a de relations commerciales qu’avec des individus. Mais surtout, la Cour suprême du Brésil va maintenant déterminer si cette décision a ou non une portée nationale.
L’enjeu n’est pas mince puisque cette décision pourrait impliquer un remboursement par Monsanto de près de 6,2 milliards d’euros pour plus de cinq millions d’agriculteurs au Brésil. Le recours collectif avait été initié par les associations d’agriculteurs de Passo Fundo, Santiago et Sertão en 2009. Se sont jointes à la plainte l’organisation des travailleurs agricoles du Rio Grande do Sul et les associations des agriculteurs de Giruá et Arvorezinha. Ces organisations se plaignaient de l’obligation faite aux agriculteurs de payer des royalties sur les semences achetées mais également sur les semences conservées des récoltes des années précédentes. Un tel système les empêchaient donc, d’une part de pouvoir ressemer les années suivantes et, d’autre part, de donner ou échanger leurs semences. En clair, ces organisations d’agriculteurs brésiliens refusent de payer quelque redevance que ce soit sur des semences récoltées, triées et ressemées.
Sur la situation juridique des brevets au Brésil, Inf’OGM expliquait dans un article publié en 2006 que « au Brésil, les inventions biotechnologiques sont réglées par les articles 10 et 18 de la loi 9.279 (1996). La loi établit, a priori, la brevetabilité de toutes les inventions. L’article 10 exclut de la définition de l’invention [...] “tout ou partie d’êtres vivants naturels et des matériels biologiques trouvés dans la nature, ou encore qui en sont isolés, y compris le génome ou germoplasme de tout être vivant naturel et les processus biologiques naturels”. [...] Les êtres vivants trouvés dans la nature ne sont pas considérés comme une invention dans leur tout ou en parties. L’article 18, lui, définit la matière non-brevetable.
Il dit expressément que les êtres vivants et parties d’êtres vivants ne sont pas brevetables, à l’exception des micro-organismes transgéniques. Pour éviter, aussi, des imprécisions par rapport à ce que serait un micro-organisme transgénique, le paragraphe unique, très discuté pendant le processus législatif, a apporté une solution consensuelle, excluant de la brevetabilité tout ou partie de plantes ou d’animaux. Il dit explicitement : “Aux fins de cette Loi, des micro-organismes transgéniques sont des organismes qui, à l’exception de tout ou partie de plantes ou d’animaux, expriment, par l’intervention humaine directe dans leur composition génétique, une caractéristique qui, normalement, n’est pas réalisable par l’espèce dans des conditions naturelles’’ ».
Mais Monsanto avait réussi à contourner cette loi, notamment en signant des accords avec producteurs et négociants qui, en bout de course, leur imposaient le paiement des royalties. Ce que les organisations contestaient donc en justice.